Par VDB | le 24/03/22
Si, dans la généalogie Bugatti, les types 35, 57 (dont sont issues les sublimes versions Atalante et Atlantic), et 41 (les mythiques Royales), sont probablement les modèles les plus emblématiques de la marque de Molsheim, les type 101 conservent une place à part, en tant que dernières tentative de relance après-guerre. Et c’est dans ce contexte que pour la première fois, les sept Type 101 construites sont réunies depuis le 15 mars pour fêter le quarantième anniversaire du plus grand musée automobile du monde, le Musée National de l'Automobile – Collection Schlumpf de Mulhouse. Exposés au cœur des collections permanentes jusqu'à mi-septembre, quatre modèles sont prêtés par des particuliers (deux en provenance des États-Unis et deux d'Europe), les trois autres, dont le prototype, font partie des collections du musée..
Après la Seconde Guerre mondiale, au siège de l’usine Bugatti à Molsheim (Bas-Rhin), rien ne sera plus comme avant : le talentueux Jean Bugatti s’est tué en 1939, à 30 ans, lors de l’essai de la Bugatti 57G, tandis que son père Ettore décède en 1947 des suites d’une pneumonie. L’usine détruite pendant la guerre reprend néanmoins des activités de sous-traitance de métallurgie et d’usinage pour l’industrie. Roland Bugatti, 25 ans, le second fils d’Ettore, prend la tête de l’usine avec Pierre Marco, fidèle complice de son père.
Hélas, les finances de l’usine sont exsangues : le bureau d’études ne peut investir dans un nouveau projet de voiture. Dans une ultime tentative de relance de l’activité automobile, il est décidé en 1950 de repartir des acquis des dernières voitures type 57 produites avant-guerre. C’est donc sur un châssis type 57 que naît le prototype de la 101. Mais les moyens de production sont limités et mobilisés par les autres activités de l’usine : seuls sept types 101 sont finalement produits !
En 1963, Roland Bugatti vend l’entreprise : le type 101 demeure ainsi la dernière production historique de la marque. Entre 1951 et 1965, quatre carrossiers finaliseront ces voitures, apportant chacun leur esthétique propre : Gangloff (carrossier historique de Bugatti), Guilloré, Antem et enfin Ghia, sur un dessin du célèbre designer américain Virgil Exner. Les sept voitures sont proches de leur état d’origine.
La berline prototype 1950. C’est le Type 100, construit en 1950 à partir d’un châssis d’avant-guerre de Bugatti Type 57 qui sera utilisé pour la mise au point du Type 101. Après avoir servi de voiture laboratoire, ce Type 100 deviendra la première 101 avec Ie N° de châssis 101500 . Elle ne sera pas vendue et sera reprise en 1961 par François Seyfried, directeur chez Bugatti. Avec cette 101 il a participé à plusieurs rallyes en Angleterre et en Allemagne, avant la revente, en 1963, à Fritz Schlumpf.
Le coach Gangloff 1951. C’est l’autre Type 101 du Salon de Paris réalisé à partir d’un ancien châssis de Type 57, modifié en 101. On peut penser que Gangloff a utilisé ce châssis (référencé 57 454) en urgence vu la proximité du Salon, les autres châssis de 101 n’étant pas encore fabriqués. Resté à l’usine jusqu’en 1963, année de son rachat par Fritz Schlumpf, la voiture est depuis Iors exposé au sein du Musée national de l'Automobile. Ce coach a été retouché en 1952 comme le cabriolet par Gangloff : phares réhaussés, calandre allongée et bossage sur le capot supprimé.
Le cabriolet Gangloff 1951. C’est l’imposant et beau cabriolet dévoilé au Salon de Paris 1951, carrossé par Gangloff, comme le coach présenté à son coté. Bien accueillies par le public, ces deux Bugatti annoncent la renaissance de la Marque. Ce cabriolet avait été vendu à un industriel alsacien, puis racheté par G. Cesari avec la 101 Antem, en 1959. Après un Iong séjour aux Etats-Unis, il est revenu en Europe jusqu’en 2010. II se trouve aujourd’hui dans la collection de l’Américain Peter Mullin.
Le coach Guilloré 1951. Réalisé par le carrossier Guilloré dans ses ateliers de Courbevoie, le style de ce Coach 4/5 places se veut très classique, dans un style proche de celui des Delage et des Delahaye. Particularité propre à cet exemplaire : ses ailes séparées de la caisse. C’est aussi l’unique Type 101 à bénéficier d’une suspension à roues indépendantes à l’avant et à l’arrière.
Le cabriolet Gangloff 1952. Présenté aux Salons de Genève puis de Paris 1952, il reprend avec quelques modifications le dessin du cabriolet de 1951. Très fluide, ce cabriolet restera cependant invendu. En 1963 il rejoint la collection Schlumpf. Fritz, peu soucieux des couleurs d'origine, fit repeindre ses trois 101, l’une en bleu, une autre en blanc et la troisième en rouge, en hommage à la France et à sa mère, née à Mulhouse.
Le coupé Antem 1952. Par le modernisme de ses lignes, le Coupé 101 dessiné par le carrossier Antem pour l’industriel René Bolloré, époux de la 2ème femme d'Ettore Bugatti, se démarque totalement des autres 101. Équipée d’un compresseur, cette 101 affiche une puissance de 190 CV contre 140 pour les atmosphériques. Achetée par G. Cesari en 1959, elle fut exposée au Musée Harrah et devint la star de nombreux concours dont Pebble Beach. À l’origine peinte en vert, elle fut repeinte noir et rouge, telles les créations de Jean Bugatti par le collectionneur Jacques Harguintéguy.
Le Rroadster Ghia-Exner 1965. Encore une belle histoire : le châssis N° 101506 non carrossé avait été repéré à l'usine de Molsheim en 1961 par un américain amateur de Bugatti. En 1965 le désigner Virgil Exner rachète le châssis et l’habille en roadster aux lignes futuristes. Ancien Directeur du style chez Chrysler, de 1950 à 1956, Exner a conçu au début des années 60 des prototypes pour des marques disparues comme Duesenberg, Mercer et Stutz, en vue de Ieur relance. Le châssis de cette 101 a été raccourci de 46 cm et carrossé par Ghia-Torino, très ancien partenaire de Chrysler et Exner. Cette voiture très originale est restée aux Etats Unis, et n’est venue que deux fois en Europe ; en 1965 au salon de Turin et en 1996 à Rétromobile, exposée par Blackhawk.